Pierre à mon cou
Pierre à mon cou

Mardi, j’ai vu ma thérapeute. Ces trois semaines depuis ma dernière séance ont été longues. Et chargées. La fois d’avant, j’avais apporté comme une offrande mon récit de Vipassana ainsi que le texte de ma séance de psychophanie. Cette fois, J’avais avec moi mon carton à dessins et dedans, Pierre à mon cou que je voulais lui montrer. Je ne lui ai pas dit qu’il fait partie de mon MoM, ce n’était pas pertinent pour cette séance. Je voulais le lui montrer à cause de l’histoire évidente qu’il raconte, mais aussi pour toutes les choses cachées dont je l’ai trouvé porteur à la lumière des récents événements et qu’il me fallait discuter avec elle. J’ai été très touchée par l’accueil qu’elle lui a réservé. Elle a choisi un endroit où l’exposer et l’y a soigneusement déposé. Il est resté ainsi sous nos yeux pendant toute la séance. Elle m’a dit que la charge d’amour de ce dessin sautait aux yeux. J’ai expliqué les deux vertèbres soudées dans mon cou, comme une pierre…
J’ai raconté en vrac les récents rebondissements. Et je lui ai dit que je mesurais désormais à quel point la sixième image était criante de vérité. Que quand le lien me semble s’effilocher, quand je sens de la distance, je tourne le dos. Comme si je voulais anticiper sur un abandon que je pressens, comme s’il me fallait abandonner moi, avant de l’être. Comme si, peut-être, je voulais voir si cette fois, enfin cette fois, il va y avoir quelqu’un pour me taper sur l’épaule et me dire « c’est ok, je suis toujours là ». J’ai dit que je finis par tendre les bras. Parfois trop tard, parfois à temps. Parfois pour rien.
Mini jeu de rôle où j’ai boudé sur mon coussin, dos tourné, pour bien sentir l’énergie de la situation. Et puis, elle est venue, a posé sa main sur mon épaule et a dit à la petite fille que c’était ok, qu’elle était là, qu’elle n’était pas d’accord, mais qu’elle était là si je voulais parler. Elle s’est rassise, je me suis retournée. J’ai regagné mon siège en face d’elle. Et j’ai pris conscience que je coupe le lien seulement quand je ne suis pas sûre de l’amour. Que ne pas être d’accord, que la distance ne sont des choses qui me font me sentir rejetée que si je ne suis pas assurée du lien, de l’alliance. Et que malgré tout, dans cette relation, je ne suis pas sûre de l’alliance. Assez bizarrement, comme un écho, cette fois c’est moi qui ai employé le mot de « cadre », même si je ne l’aime pas. Quand je suis sûre du lien, de l’indéfectible, ça fait comme un cadre, une bulle à l’intérieur de laquelle on peut bouger sans danger, s’éloigner, se rapprocher… je ne suis pas dans la réaction incontrôlable et incontrôlée de tourner le dos avant qu’on me tourne le dos. J’expliquais tout ça en regardant à sa droite, vers le bas, dans les plis du radiateur. Elle m’a demandé de la regarder. Dans les yeux. Autre écho. J’ai eu du mal, mon regard se dérobait. Je ne sais pas pourquoi. Elle m’a dit qu’il était important que je la regarde, que je sente la force de notre alliance, l’amour dans ce regard. Je parle, je la regarde peu. Comme un miroir dans lequel j’ai peur de regarder.
Nous sommes restées les yeux dans les yeux, et je ne suis pas sûre qu’il n’y avait pas de la buée dans ses yeux, en écho à celle dans laquelle les miens se noyaient.